En souvenir de toutes les atrocités que tous ces hommes ont souffert, indépendamment de leur nationalité.
Pour garder en mémoire ces folies meutrières. Nous sommes tous des citoyens du Monde, Vive La Paix.
Journal de Vincent Martin, soldat du 119 ème RI
Extrait : …
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La Ferme Du Luxembourg
De la route 44, au point dit la Maison Blanche, nous sommes passés par Cauroy puis Hermonville en suivant le petit ruisseau qui rejoint la ferme du Luxembourg, par dessous la route 44 et qui se jette dans le canal de l’Aisne à la Marne à l’ouest de Loivre. La 1ère compagnie, à laquelle appartient Fernand, occupe le bois triangulaire le long du ruisseau jusqu’au canal; nous, la 2ème compagnie, nous nous installons sur l’éperon à gauche du bois et, aussitôt, nous commençons à faire des trous qui bientôt se rejoignent pour former « la tranchée Vilcourt ». Nous n’avons plus d’officiers; l’adjudant Wilcourt, ancien de la coloniale qui est établi buraliste et tient un café à Juziers, à côté de Meulan, commande la 2ème compagnie. Il ne restera d’ailleurs pas longtemps car, perclus de douleurs et âgé, il retournera bientôt chez lui. Nous ne croyons pas encore à la guerre de position; alors que l’artillerie lourde allemande se manifeste durement sur nous du massif boisé de Brimont et des hauteurs, également boisées, de la ferme Sainte-Marie à tel point, que les allemands peuvent amener des renforts en hommes et en matériel jusqu’au canal et au village de Loivre sans être vus.
Dés les premiers jours quand nous étions là, devant la ferme du Luxembourg, vers le 15 ou 16 septembre, les zouaves, partis de la route 44, allaient attaquer les allemands en traversant le canal de l’Aisne avec des moyens de fortune. Ayant essuyé un échec retentissant, anéantis ils revenaient encore plusieurs jours après un par un. Qu’est-ce qu’ils ont dû prendre les pauvres zouaves … L’ennemi était protégé et couvert par les massifs boisés au nord du canal et notre artillerie réduite à ne pas tirer faute de munitions. Nous avons vu ça! Nous devrons nous faire tuer ainsi, pendant longtemps, faute de munitions. Ce résultat ne fut pas à l’honneur du général commandant la 5ème armée française, Franchet d’Esperey qui a remplacé le général de Lanrezac, trop mou sans doute et limogé, mais quel massacre! Devant la ferme du Luxembourg les 1ère et 2ème compagnies occupent le bois triangulaire et l’éperon dominant le canal à gauche. Dans le creux, devant le canal, il y a des meules de grains qui servent de poste d’observation aux artilleurs; nos deux compagnies surveillent au début cette zone puis, les 10ème et 11ème compagnies occupent la rive sud-ouest. Des éléments de patrouilles sont envoyés en liaison avec eux.
L’Attaque Du 26 septembre 1914
Après une violente préparation d’artillerie ennemie sur nos positions et sur celles du 28ème régiment d’infanterie, les allemands, passant à l’attaque, enfoncent ce régiment à notre aile droite jusqu’à la route nationale 44. Nous sommes à découvert et nous recevons des balles de mitrailleuse et de fusils sur nos arrières, le bombardement par obus de 105 et 150 allemands nous oblige à déguerpir de notre éperon dominant le canal; heureusement que les éléments de la rive sud-ouest, trop près de l’ennemi pour être bombardés tiennent toujours. C’est mon camarade Fernand qui a été envoyé en liaison, par le capitaine Bédoura commandant la 1ère compagnie, auprès des 9ème et l0ème compagnies qui se trouvent découvertes aussi. Passant au-dessus de notre tranchée en courant, il accomplit sa mission sous un bombardement violent d’obus de 150 ennemis à tel point que lorsqu’il revient, tous les occupants de notre position s’étaient repliés au sud ou à l’ouest. Ce jour-là je me trouvais dans un trou avec mon caporal et camarade Langlois, originaire de Port-en-Bessin (Calvados) et ancien élève du collège Chaptal à Paris; je me servais de la pioche et lui de la pelle. Ne voyant plus personne autour de nous, nous fîmes comme les autres, lui prenant la direction de l’ouest vers la route 44 et moi vers la route de Cauroy au pont du Godat dans le sens de notre tranchée. Je le suis des yeux et, au bout d’une quinzaine de mètres, je vois un gros obus qui lui tombe dessus le tuant bien entendu; nous sommes une quinzaine qui suivent l’autre direction et comme les allemands nous pointent à revers de notre tranchée, ils nous tirent maintenant dans le dos et leurs balles nous claquent aux oreilles et se piquent en terre devant nous. Nous courons dans de grands champs de luzerne non coupée dont les tiges s’entrelacent autour de nos jambes nous assurant de belles culbutes parmi leurs balles, heureusement peu précises, que nous essuyons toujours.
Arrivés hors de portée de leurs fusils, nous sommes allés faire une cure de raisin dans les coteaux de Cormicy et Cauroy et revenons ensuite, vers 18 heures, à la ferme du Luxembourg où la bataille fait encore rage. … ‘ ‘
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Texte, photo et carte Source – Site 119 RI – Journal de Vincent Martin
Photo prise par Paul Andrillon au Godat (Cauroy Lès Hermonville) Avril – Mai 1915.
En remerciant Xavier Bocé pour la mise à disposition de ses archives: texte, photos et documents relatifs aux combats sur le Front de Cauroy – Hermonville – Cormicy – Loivre – Brimont, ainsi que de la Ferme du Luxembourg, dans laquelle nous demeurons et vinifions nos vins depuis 1975.
Un symbole : la nuit de Noël 1914 – La fraternisation des soldats ‘ ‘ ennemis ‘ ‘ sur le front.