Telle une classe du conservatoire de musique, il convient d’établir les partitions des cuvées 2006 et de composer avec le talent ( pinot noir, meunier, chardonnay), le caractère ( terroirs calcaire, argile, sable, silex, …) et la sensibilité (vinifiés en barriques, foudres, demi-muids ou en petites cuves – ciment – inox) des 25 jeunes instrumentistes de la Promotion 2006.
Les vieux vins de réserve (2004, 2005, et plus âgés de réserve perpétuelle …), les anciens, apporteront leur soutien à cette jeune promotion 2006 fraîchement émoulue des chais.
C’est donc armé d’une éprouvette graduée, d’un crachoir, de 2 Spiegelau, d’un stylo et d’une feuille de papier, que l’on s’apprête à déguster, commenter, noter, puis d’assembler les 25 échantillons de base qui représentent l’ensemble des vins clairs 2006, du vignoble familial. 10 ha 30, 100 parcelles, 3 régions, 3 cépages, 8 villages, résumés en 25 flacons – 25 échantillons – 25 expressions de terroirs différents, vinifiés séparément.
Un petit rappel des notions de base pour mener à bien l’assemblage :
Le Meunier s’exprime en souplesse et rondeur, très précoce il apporte le bouquet et le fruit charnu de pêche blanche, de poire blette et de nèfle, parfois d’abricot et mirabelle.
Le Pinot Noir, plus charpenté, corpulent et puissant, s’exprime sur des arômes de petits fruits rouge, de fruits secs (noisette, noix, amande ) les années bien mûres, et vinifiées sous bois. Pinot noir, d’évolution plus lente que le Meunier précoce.
Le Chardonnay fin, délicat, vif, minéral, s’exprime jeune sur les fleurs blanches (aubépine, lys) et des agrumes, plus évolué sur des miels, des coings, parfois des notes fumées.
Sa maturation est très lente, une petite 10zaine d’années est nécessaire pour qu’il s’exprime dans sa plénitude, pour qu’il développe tout son potentiel.
Voilà, sur ces bases succinctement décrites (pour les béotiens),
il convient de mettre en harmonie les composantes terroirs -cépages – mode de vinification ( barriques – foudres – cuves) de chacune de nos 8 cuvées et millésimes.
Tout en considérant que la prise de mousse, le gaz carbonique, va accentuer l’acidité de ces vins clairs et gommer – diminuer partie de l’expression des arômes et des saveurs ressenties sur ces vins tranquilles. C’est à force de pratique et d’expériences, qu’on arrive à anticiper ces changements – modifications, et qu’il convient de corriger en accentuant tel caractère ou tel autre. C’est parfois frustrant, quand on est en présence d’une harmonie et d’un équilibre parfait de fruit, de corps et de minéralité que la bulle va modifier – tout chambouler.
Cette année 2006, 25 échantillons – cépage / terroir résument l’ensemble de cet orchestre, l’expression de 100 parcelles, des 8 villages, des 3 régions différentes (Massif de St Thierry = sable calcaire; Montagne de Reims / Mailly champagne = craie; Vallée de la Marne = argile et calcaire, argile et silex, en affleurements suivant les coteaux) du vignoble familial.
En Janvier, après les fermentations malolactiques, nous avions effectué une présélection des x 10 barriques, … dégustée – analysée – commentée – notée chacune d’elles,
pour écourter le temps d’assemblage proprement dit.
Afin de ne pas saturer après avoir jugé ces 25 échantillons de base, puis d’établir les proportions de premières partitions de cuvées,
deux demi-journées auront été nécessaires pour composer ces partitions 2006.
– Grand Cru Mailly – Champagne : un duo de pinot noir et chardonnay, en petits fûts et foudres. Il a fallu reprendre la partition trois fois, avec les vieilles réserves, pour bien poser cet équilibre corsé, charpenté. En réduisant successivement la part de chardonnay 2006 des Barraquines de 12 à 8 % et en augmentant la portion de vieux vins de réserve en pinot noir de 8 à 12 %
– Blanc de Blancs : une ballade chantée, très fleurie, sur terroirs de sables, de calcaire et d’argile, en foudres, demi-muids et petites cuves.
– Prestige-Tradition : cuvée sans malo, assemblée fin de fermentation d’alcoolique pour qu’elle passe l’hiver au froid. Très lyrique, expressive, joyeuse … on y a pas touché. Expression naturelle du raisin bien mûr.
– Rachais 2006 : chardonnay *lunaire* de 39 ans, vinifiés pour 60 % en fûts anciens ( 7-8 ans) et 40 % en foudre neuf. Sans vieux vins de réserve, puisque 3eme année de conversion officielle, c’est donc a capella qu’ils s’expriment, dans un style de musique gai et exotique brésilien du Trio Esperança.
– Millésime 2006 : tout comme les Rachais, on s’y est repris à deux fois pour le composer, mettre en sourdine le meunier de 5 %, pour les compenser par plus de pinot noir trop timide, tout en conservant le choeur de chardonnay à 50 %. Tout en bois, foudres et petits fûts de 7 à 10 vins.
– Petraea XCVII-MMVI : pffffffffff … ça a été laborieux, pour mettre en place tout cet ensemble. Pourtant composée avec la Réserve Perpétuelle à 75 %… on s’y est repris à 6 fois pour mettre en musique cette vieille réserve perpétuelle démarrée en 97-98-99 … tantôt la bouche manquait de minéralité, tantôt le nez était monotone, … pour finalement apporter 1/3 de Chardonnay et 2 /3 de noir et meunier, sur les 25 % de 2006 à apporter cette année.
– Réserve : d’un premier jet, unique, la partition était posée avec facilité. Dominante de meunier, … année 2006 … année des meuniers… pour 55 % un peu de cuve, un peu de fûts et 20 % de vieux vins de réserve un peu de pinot noir et une touche de chardonnay… l’ensemble était parfait. Gourmand, expressif – sans lourdeurs, frais et souple. Un beau fruit élégant pour un futur BSA (brut sans année). L’ensemble était parfait au premier jet.
– Rosé 2006 : comme il s’agit d’une saignée, on avait juste à le goûter, après avoir assemblé la partie vinifiée en cuve et la partie vinifiée sous bois. Petite déception, il est encore fermé, aussi comme nous avions effectué un soutirage sur lies, 5 jours plutôt… les arômes étaient encore tous dissociés.
Année 2006,
des meuniers gourmands, bien épanouis.
Des pinots et chardonnays plus classiques, moins expressifs / meuniers,
cependant quelques beaux joyaux,
en petites cuves et en tonneaux.
Après avoir assemblé sur 2 demi-journées ces vins à l’éprouvette graduée, une petite dizaine de jours seront nécessaire pour aller recueillir chacun de ces vins, chacune de ces barriques, de ces demi-muids, pour les assembler en volumes réels en cuves de grande capacité … tout en effectuant les soutirages sur lies et puis les nettoyages d’usage pour chacun des contenants.
Ce sera mon ouvrage de cette semaine prochaine, alors que l’équipe vignerons continue de tailler, de remplacer les piquets et fils usagés, alors que l’escouade féminine commence à lier – attacher les chardonnays précoces en système chablis.